Dossier

Pandémie, crise et confinements : quelles mutations pour le commerce et l’immobilier commercial ?

Crédit article : Marie MOSNIER et Julien PIERRE 12/10/2021 • Temps de lecture : 6 min
La pandémie mondiale de Covid 19 et ses corollaires (épisodes de confinements et de couvre-feux, limitation des déplacements, télétravail, gestes barrières, jauges de fréquentation, pass sanitaire, etc) sont venus percuter de plein fouet le fonctionnement du commerce physique, malmenant aussi bien les grandes chaînes que les petits indépendants en poussant ces acteurs économiques à l’expérimentation et à l’innovation pour s’adapter et survivre. Entre l’apparition de nouveaux modèles dont on ignore encore s’ils perdureront et l’accélération de mutations qui étaient déjà à l’œuvre avant la crise, petit tour d’horizon de quelques-unes de ces transformations à l’œuvre et comment celles-ci se concrétisent en matière d’immobilier.

Image : Pixabay - CC0

Si un certain nombre de mutations étaient déjà à l'oeuvre dans le commerce avant la pandémie de Covid 19, l'épisode de pandémie globale des dernières années a acceléré la transformation des modes de consommation traditionnels soit en amplifiant ces orientations, soit en favorisant l'émergence de nouvelles façons de vendre et/ou d'acheter. Perspectives Immobilier Entreprises vous propose un petit tour d'horizon de quelques tendances qui amènent à repenser le commerce d'entreprise à consommateur, les manières dont il se pratique et les lieux où il s'opère.

La digitalisation à marche forcée : le e-commerce pour continuer à vendre

Si avant la pandémie avoir un site marchand ou vendre via les réseaux sociaux (le "Social shopping") pouvaient être considérés comme des plus pour les commerces physiques, la pandémie a clairement rendu ces outils digitaux indispensables pour faire face à la concurrence et continuer à vendre ses produits.

Car la vente en ligne continue sa progression et les chiffres de la FEVAD (Fédération du E-commerce et de la Vente A Distance) sont éloquents : plus de 41 millions de français ont effectué un achat en ligne en 2020, 27.000 nouveaux sites marchands sont lancés par an et le e-commerce a représenté 13,4 % du commerce de détail en 2021. Pour citer le blog du site wizishop.com dans son analyse des chiffres de la FEVAD « l’acte d’achat se multiplie pour plus de clients sur des boutiques (en ligne) comptabilisant de plus en plus de visites, et ce même en sortie de crise, malgré la réouverture des boutiques physiques. ».

Garder le contact et fidéliser ses clients pendant la pandémie

La principale préoccupation des enseignes, marques, chaînes ou détaillants est de garder le contact avec leurs clients. Quand les points de vente et les boutiques ont dû fermer, toute la communication a basculé vers la sphère numérique. Pour continuer à fidéliser leur clientèle, les commerçants ont communiqué par mails ou messages de manière plus soutenue qu’auparavant mais ils ont également dû s’adapter aux nouveaux modes de consommation via les sites internet et les réseaux sociaux.

L’avantage des réseaux sociaux est de proposer régulièrement des contenus ciblés en fonction de ses centres d’intérêt et permettre le partage instantané d’informations mais également de créer du lien et de la proximité avec les clients en leur permettant de commenter le contenu en direct, donner leur avis et échanger via des messages privés.  

Certaines stratégies marketing de fidélisation se sont démarquées pendant la crise sanitaire avec par exemple la chaîne de fast-food Burger King qui avait lancé des vidéos-tutos spéciales « recettes de la quarantaine » pour reproduire chez soi les burgers vedettes de la marque.

Dans le domaine du sport et alors que les salles de sport fermaient leurs portes, la marque Nike a encouragé la population à faire du sport chez elle avec son slogan « Play inside, play for the world » et a mis à disposition un accès gratuit de la version premium de son application d’entrainement Nike Training Club. Cette campagne marketing a été relayée de nombreuses fois sur les réseaux sociaux à travers les #playinside et #playfortheworld, notamment par des sportifs célèbres comme Cristiano Ronaldo. Le double avantage de cette stratégie marketing a été de répondre aux nouveaux besoins de la communauté sportive c’est-à-dire rester en forme physiquement tout en soutenant le confinement intelligemment… et bien évidemment pour la marque de garder le contact avec les consommateurs et continuer à exister !   

Streaming, Live shopping et social shopping : communiquer pour mieux vendre

La crise sanitaire a permis le développement de nouvelles façons de communiquer. Avec l’importance croissante des réseaux sociaux et l’explosion du live streaming (application Zoom notamment), certains commerces à dans l’impossibilité d’accueillir des clients pendant les confinements ont développé ce type de communication et ont saisi l’intérêt de faire du live shopping un moyen de continuer à créer du lien avec leur communauté, présenter leurs produits et nouveautés et vendre de manière originale.

Les exemples sont nombreux pour illustrer cette méthode. On pense par exemple à Louis Vuitton organisant des rendez-vous en ligne exclusifs pour ses meilleurs clients ou Ikea qui a proposé des solutions de rendez-vous en ligne pour aider ses clients à concevoir leurs projets à distance et leur présenter des produits, des rendez-vous personnalisés entre conseiller et client qui donnaient l’impression au client d’être physiquement dans le magasin.

Le Click & Collect et l’explosion de la livraison à domicile

Quelles solutions ont été mises en place pour que les clients puissent récupérer leurs commandes tout en respectant le protocole sanitaire pendant les confinements et les couvre-feux ?

Côté boutiques, le Click and Collect a connu un essor considérable avec le client qui commande en ligne et vient retirer sa commande en voiture (drive ‘classique’) ou en magasin sur un créneau horaire défini (drive piéton).

Côté restauration, les services de livraison de repas à domicile ont connu une croissance folle avec en première ligne des géants comme Uber Eats (dont le CA est passé de 1.4 milliard $ en 2019 à 3,9 milliards $ en 2020) ou Deliveroo (+ 64% de CA sur la même période) (chiffres Journal du Net). Pour les restaurateurs et les enseignes qui n’avaient pas de livreurs, le passage par ces plateformes était la seule alternative, elles-mêmes se chargeant d’attirer des clients avec une stratégie marketing agressive incluant force coupons de réductions et offres promotionnelles.

Repenser son espace de vente ou basculer du côté obscur des dark kitchens et des dark shops

Si lors de la réouverture des points de vente physiques il a fallu trouver des solutions pour concilier la reprise de l’activité en présentiel et l’accueil du public dans un contexte de vigilance sanitaire (sens de circulation, jauges de clients, gel hydroalcoolique à disposition, plexiglass aux caisses, etc), l’épisode du Covid a aussi rappelé l’importance cruciale du visual merchandising pour les boutiques physiques avec des fondamentaux telle qu’une présentation de vitrine attractive et une organisation visuelle de la surface de vente alliant esthétique et efficacité commerciale.

Si par la force des choses les bars et les restaurants ont eux aussi dû aménager leurs espaces avec des zones dédiées à la vente à emporter (préparation et stockage des commandes, zone de take-away) et/ou un fleurissement de terrasses partout où c’était possible, la période a aussi vu le développement du phénomène des dark kitchens, les "cuisines fantômes" qui ne font que de la livraison à domicile et s’appuient sur les plateformes de livraison pour distribuer leurs produits.

Dans la foulée des dark kitchens on a vu fleurir dans les grandes villes les dark stores, des mini entrepôts/épiceries sans vitrine qui n’accueillent aucun client et où toutes les commandes (souvent de produits alimentaires et de première nécessité) passent par internet et sont traitées en temps réel avec la promesse d’une livraison en 10 à 15 minutes, un format qui fait d’ailleurs réagir les municipalités.

Quel impact ont ces évolutions sur l’immobilier commercial ?

Circuits courts, commande sur mobile, livraisons par drones, magasins sans caisse, développement de la recherche visuelle par Google (pour identifier et acheter immédiatement via votre mobile ce vêtement que porte votre voisin de métro), etc : autant d’autres bouleversements à l’œuvre que nous n’avons pas traités ici, mais qui avec les changements que nous venons déjà d’évoquer dans cet article questionnent sur les impacts à venir sur l’immobilier commercial qui doit désormais cohabiter avec la numérisation et la digitalisation de la communication et de la consommation.

Longtemps considérés comme une valeur refuge à l’ère du mass-market, les murs commerciaux de boutiques ont fait pendant des années le bonheur de leurs propriétaires qui imposaient des valeurs locatives et des charges élevées à leurs locataires pour les meilleurs emplacements.

Alors que les enseignes ont depuis des années déjà entamé une rationalisation de leur parc immobilier avec des arbitrages de leurs points de vente et dans un contexte où les centres-villes jouent la carte de la spécialisation et du haut de gamme pour tenter de résister face à une périphérie devenue pôle de services et de consommation mass-market pour la France périurbaine, on peut anticiper une baisse de l’attrait des critères de visibilité et de flux pour certaines activités qui privilégieront une bonne accessibilité en voiture (ou deux roues) et des locaux spacieux, faciles à trouver, fonctionnels et adaptables pour tous ces nouveaux usages qui révolutionnent déjà en profondeur les modes de consommation.

Les emplacements n°1 d’hier le seront-ils encore demain ? Quels seront les nouveaux besoins en matière d’immobilier commercial pour accompagner les nouvelles façons de consommer ?

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