Dossier

Crise de l'immobilier d'entreprise en 2023 : krach ou encore ?

Crédit article : Julien PIERRE 06/10/2023 • 2 min.
Après vous avoir proposé cet été notre série d'articles sur la météo des marchés de l'immobilier d'entreprise en France, nous nous intéressons à ce qui se passe sur les marchés du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de l'Allemagne.
N'y a t'il qu'en France que l'immobilier d'entreprise connaît des difficultés ?

Le quartier de Canary Wharf à Londres © Julien PIERRE

N'y a t'il qu'en France que l'immobilier d'entreprise connaît des difficultés ?

Inutile de refaire l'inventaire des difficultés auxquelles fait actuellement face le secteur de l'immobilier ni des causes (inflation, hausse des taux, baisse de la production de crédit...) à l'origine de celles-ci, les articles, contenus et analyses ne manquent pas. Après vous avoir proposé cet été notre série d'articles sur la conjoncture Hexagonale en 2023 de l'immobilier de bureaux, de l'immobilier Activité et Logistique et de l'immobilier commercial nous vous proposons ici de regarder ce qu'il se passe sur les marchés immobiliers de Londres, des Etats-Unis et de l'Allemagne pour tenter de décrypter la conjoncture actuelle.

A Londres, New-York, Paris ou Berlin l'immobilier d'entreprise au ralenti

A Londres un marché immobilier des bureaux à deux vitesses

Le marché londonien des bureaux affiche actuellement un taux de vacance proche de 9% représentant quelque 2,4 millions de m² disponibles (contre 1,5 millions de m² en moyenne décennale) et l'absorption nette (= la différence entre le total des m² pris à bail moins le total des m² libérés) y est négative pour le 1er semestre 2023. Le conseil CBRE note une demande placée sur le secteur de Central London à 185.000 m² pour le 2nd trimestre 2023 soit une baisse de 34% par rapport à la moyenne à long terme. Pris dans son ensemble, le marché londonien a connu un volume de demande placée à 347.457 m² au premier semestre 2023 d'après le conseil Cushman&Wakefield. Côté investissement, le marché a enregistré 1,4 Md€ au 2T2023 soit une baisse de 59% par rapport aux 3,4 Md€ investis au 1T2023.

Derrière ces chiffres maussades les analyses convergent pour distinguer la situation problématique des immeubles anciens et des secteurs excentrés tels que Canary Wharf et celle plus enviable des secteurs avec des localisations centrales (tels que City et West End) et des immeubles de catégorie A vers lesquels semble 's'envoler' la demande des utilisateurs, un mouvement post-Covid de 'flight-to-quality' qu'on retrouve sur les marchés parisien ou américains.

Aux Etats-Unis une crise immobilière qui est avant tout celle des bureaux

Aux Etats-Unis et comme l'analysait Le Monde dans un article récent, la crise immobilière semble avant tout être celle de l'immobilier tertiaire avec d'une part un taux de vacance commerciale moyen historiquement élevé de 16,1 % et d'autre part des quartiers d'affaires qui peinent à refaire le plein de salariés en présentiel dans les grandes villes. Comme à Londres, les utilisateurs 's'envolent vers la qualité' et se tournent vers les immeubles neufs ou restructurés de qualité aux localisations centrales.

Côté résidentiel, le marché de la revente enregistre une baisse importante du nombre des transactions et les acquéreurs se reportent sur le neuf qui se porte bien au pays de l'Oncle Sam.

Les facteurs d'inquiétude aux USA viennent de la forte exposition financière des banques locales et régionales dans l'immobilier de bureaux et de la réévaluation à la baisse de l'immobilier de luxe qui perd sa dimension de valeur refuge.

En Allemagne les marchés immobiliers sont dans le dur

Chez nos voisins allemands, le marché de l'immobilier de bureaux se répartit entre ses 7 principales métropoles. Dans son analyse des marchés de bureaux des grands villes allemandes, le conseil Jones Lang LaSalle note un volume de demande placée à 254.200 m² de bureaux au 1er semestre 2023 pour Berlin (plus mauvais score depuis 2013) et de manière générale un ralentissement plus ou moins marqué de celle-ci allant de -15% à Francfort à -70% à Stuttgart. Le conseil demeure cependant optimiste en évoquant un besoin en recrutement de quelque 820.000 jobs tertiaires qui s'ils étaient pourvus permettraient au marché allemand d'atteindre un niveau de demande placée de 2,8 millions de m² à fin 2023 soit au final une baisse de 20% par rapport à 2022.

Côté résidentiel l'Allemagne est un pays où se loger coûte cher et qui a un fort besoin de logements mais le nombre de permis y est malheureusement en chute libre. Comme le remarquent Les Echos le pays connait une baisse des prix jamais vue depuis 20 ans et le nombre des transactions devrait chuter de 25% en 2023.

Investissement : baisse des volumes investis dans l'immobilier d'entreprise

L'érosion des valeurs et de la collecte des SCPI actent un cycle baissier

Les turbulences que traversent l'immobilier d'entreprise s'accompagnent d'une baisse des volumes investis. La hausse des taux, la polarisation des marchés (le 'flight-to-quality' des utilisateurs donc), la réévaluation des actifs ou encore la baisse de la collecte des SCPI qui investissaient massivement dans les bureaux en régions (projection des volumes collectés par les SCPI de l'ordre de 5,5 et 6 Mds€ contre 10,2 Md€ en 2022 selon JLL cité par Business Immo) sont autant de signaux qui provoquent une certaine fébrilité. Les marchés des bureaux sont en train de se transformer et cela n'est pas sans conséquence pour les investisseurs.

Si toutefois on se fie à l'analyse de Virginie Wallut de La Française AM, les actifs immobiliers 'prime' sur les grands marchés européens conservent leur attractivité et ont vu leurs rendements se maintenir sous la barre des 4% au 1er trimestre 2023 et autour de 4,5% pour les capitales régionales.

Tous les actifs immobiliers ne sont pas impactés d'égale manière

Si pour les bureaux la prime est donc au 'Prime', la Française AM note également que d'autres segments de l'immobilier d'entreprise présentent également de belles opportunités de diversification pour les investisseurs en soulignant par exemple l'attrait de l'immobilier santé LSRE (qui se développe et manque d'offre), celui de l'hôtellerie et des actifs de tourisme (qui font à nouveau le plein) ou encore le résidentiel géré (moins sensible à la conjoncture), un pool auquel nous ajouterions également l'immobilier commercial dont les meilleurs actifs retrouvent un peu de couleurs.

Quelle lecture avoir du contexte actuel ?

Commençons par une évidence : tous les acteurs des marchés de l'immobilier d'entreprise espèrent la fin prochaine de la série historique de hausses des taux d'intérêt par les banques centrales. Si cela permettra de relâcher un peu la pression, on observe une combinaison de signaux (baisse de la demande placée, évolutions des modes de consommation des espaces tertiaires, industriels, logistiques et commerciaux, chute de l'investissement) qu'on pourrait interpréter comme révélateurs d'une crise aigue.

Moins une crise immobilière qu'une nouvelle normalité à intégrer

Dans les faits il semble davantage qu'on rentre plutôt dans une nouvelle normalité où après des années d''argent gratuit' les financiers retrouvent un peu d'intérêt à prêter et où les enjeux de restructurations de bâtiments existants pèseront autant que la construction neuve.

Il y a quelque chose de structurel, appelé à durer, dans la manière dont l'immobilier professionnel est aujourd'hui perçu et consommé par ses utilisateurs, que ce soit en matière d'espaces tertiaires mais également en matière d'immobilier logistique ou encore d'immobilier commercial. Les entreprises et les acteurs économiques pour lesquels sont conçus les bâtiments connaissent eux-mêmes des mutations importantes et l'immobilier devient une variable d'ajustement qui doit répondre à l'expression de ces nouveaux besoins combinant respect des critères environnementaux/ESG, souplesse locative et financière, locaux adaptés et prime à la meilleure localisation.

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