Dossier

Météo-Immo Eté 2023 : le marché de l'immobilier de bureau en France

Crédit article : Julien PIERRE 28/07/2023 • 4 min.
Pour la période estivale 2023, Perspectives Immo vous propose une série d'articles sur la météo des marchés de l'immobilier d'entreprise. Ce premier article se concentre sur le marché de l'immobilier de bureau tiraillé entre nouveaux usages, désaffection des investisseurs mais aussi opportunités.
Un marché immobilier tertiaire en pleine zone de turbulences

Un marché immobilier tertiaire en pleine zone de turbulences

Inflation, hausse continue des taux d'intérêt d'emprunt immobilier (en réponse aux relèvements des taux directeurs par la BCE), coût toujours élevé des matières premières, incertitude persistante des entreprises face à une conjoncture trouble, nouvelles normes de construction/rénovation avec le Décret Tertiaire ou encore avènement du Flex Office qui se confirme comme une tendance de fond : l'immobilier de bureau, actif jusqu'ici apprécié des investisseurs pour sa lisibilité et sa stabilité, traverse actuellement une période mouvementée marquée par le cumul de tous ces facteurs.

Après un point conjoncturel sur les marchés des bureaux franciliens ainsi qu'en régions, cet article vous propose un focus sur l'immobilier d'enseignement qui dynamise la demande placée avant de proposer en conclusion quelques observations pour tenter de décrypter le marché de l'immobilier de bureau et ses évolutions futures.

Le marché des bureaux franciliens : vers une nouvelle normalité ?

Les chiffres du GIE ImmoStat de la demande placée (qui prend en compte les locations et ventes à utilisateurs) dans les bureaux en Ile-de-France témoignent d'un recul de 22% au premier semestre 2023816.200 m² placés) par rapport au premier semestre 2022. Le conseil en immobilier d'entreprise Jones Lang LaSalle observe dans Les Echos que cette baisse est notamment due au décrochage du segment des grandes surfaces (> 5.000 m²) qui a perdu 33% de mètres carrés placés et 30% en nombre de transactions entre 1S2022 et 1S2023. Cette raréfaction de la demande pour les grands volumes s'explique par la conversion des grandes entreprises au Flex Office. Elles recherchent maintenant moins de mètres carrés mais mieux localisés et offrant davantage de services. Dans ce contexte, les immeubles de bonne qualité bien situés et offrant aux utilisateurs une meilleure maîtrise de leur consommation énergétique tirent leur épingle du jeu.

La localisation (en termes de centralité et de connectivité) est d'ailleurs devenue, comme le souligne le conseil BNP Real Estate (toujours dans Business Immo), un critère prioritaire sur le marché des bureaux franciliens (et pas seulement, voir le paragraphe suivant) comme l'illustre la domination du secteur de Paris qui a représenté 47% des volumes placés en Ile-de-France en 2022. Dopé par les mouvements et implantations des entreprises du secteur du luxe, le seul QCA (Quartier Central des Affaires) a concentré 22% des volumes placés et l'offre vient à y manquer, une situation de tension où les loyers continuent de progresser dans cette zone et qui contraste avec celle des autres secteurs aux fortunes diverses, du quartier de la Défense qui s'interroge aux secteurs plus périphériques de la Seconde Couronne qui affichent des taux de vacance importants.

La résilience des marchés tertiaires en régions

Dans son étude des marchés 2022 de bureaux en régions (intégrant 28 grandes agglomérations et villes moyennes), le conseil Arthur Loyd dresse plusieurs constats : un niveau de demande placée élevé (notamment dans les grandes agglomérations qui réalisent +33% de m² par rapport à 2021), une pénurie d'offre neuve sur plusieurs marchés, des valeurs locatives à la hausse dans les meilleurs secteurs et l'hypothèse d'un possible dépassement à court terme du niveau de la demande placée en Ile-de-France par le marché des régions.

Cette belle dynamique s'est-elle poursuivie en 2023 ? Ce qui est vrai pour le marché francilien des bureaux l'est-il aussi en régions ? Eléments de réponse avec des données 2023 des marchés de Lille, Lyon et Nantes.

A Lille, CBRE annonce 52.900 m² placés et Jones Lang LaSalle 50.300 m² placés au premier trimestre 2023. Ce dernier constate dans son panorama des bureaux à Lille la bonne tenue du marché tertiaire nordiste qui neutralisé des comptes propres (une transaction hors norme avait dopé la demande placée au 1T22) aura connu une croissance de 5% sur un an avec des grandes surfaces représentant 61% des volumes placés. Alors que le marché de la métropole commence à souffrir d'un manque d'offre (neuve et restructurée notamment) sur certains secteurs et que les valeurs sont globalement à la hausse, l'investissement au 1T23 (8 opérations pour 59 millions d'euros) affiche par contre un niveau de performance proche de celui du 1T22, en deçà des standards du marché lillois.

A Nantes et selon Arthur Loyd Nantes, le marché de l'immobilier d'entreprise marque le pas au premier semestre 2023 avec un volume de demande placée affichant 50.817 m² soit un recul de 29% par rapport à 1T22 (qui avait été une année record). Dans ce contexte de marché perturbé les secteurs centraux (le trio gagnant centre-Ile de Nantes-Euronantes) et les surfaces neuves/restructurées continuent de performer.

A Lyon le conseil Brice Robert Arthur Loyd Lyon relève un volume de demande placée légèrement inférieur à 115.000 m² pour le 1S2023 soit une baisse de 26% sur un an. De son côté JLL constate dans son panorama des bureaux de la région lyonnaise que le trou d'air a eu lieu au 1T23 avant qu'un rattrapage ne s'amorce au 2T23. Le conseil note que certains secteurs très prisés viennent à manquer d'offre (Lyon intramuros affiche un taux moyen de vacance de seulement 3,7%) tandis que d'autres secteurs comme Grand Lyon Est (qui a capté 18% de la demande placée soit 20.200 m²) ont bien performé sur la période. Enfin même si Lyon conserve sa position de leader de l'investissement en régions, son marché tourne au ralenti car au-delà des 330 millions engagés au 1S23, ce chiffre marque un recul de 47% sur un an.

L'immobilier tertiaire pour l'enseignement et la formation, nouveau moteur de la demande ?

Alors que les entreprises de la tech ont par exemple été moins actives dans leurs prises à bail au 1er semestre 2023, l'enseignement supérieur et la formation sont des secteurs d'activités en dynamique qui constituent un vivier de demande pour le marché tertiaire.

En se positionnant sur des typologies de bâtiments tertiaires recalibrés pour accueillir du public (normes ERP) et répondant à leurs critères de localisation (centralité, accès), d'image (un campus sexy pour attirer les étudiants) et de normes environnementales (RSE et Décret Tertiaire), les acteurs privés de l'enseignement supérieur (écoles de commerce et formations en apprentissage essentiellement) consomment des m² de bureaux transformés en locaux d'enseignement, non seulement à Paris (80.000 m² commercialisés en Ile-de-France en 2022 d'après Knight Frank cité par Business Immo dans leur article consacré à l'immobilier d'enseignement) et dans les grandes métropoles régionales (70 transactions pour 100.000 m² placés à Lyon depuis 2020 selon JLL) mais également dans des villes moyennes comme l'illustrent les implantations récentes de l'IFAG à Angers ou de Everen Formation sur plus de 1.850 m² à Châteauroux, deux transactions réalisées par des agences locales du réseau Arthur Loyd.

L'augmentation du nombre des étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur privé (+10% entre 2021 et 2022 pour un total de 737.000 inscrits soit un étudiant sur quatre scolarisé dans le supérieur), les aides financières de l'Etat au financement des contrats d'apprentissage (à hauteur de 5 milliards d'euros en 2022) et la concurrence entre écoles ont créé un contexte de marché favorable au développement de l'immobilier d'enseignement qui bénéficie d'une bonne image auprès des municipalités et des investisseurs en quête de diversification.

Au regard de ces éléments il semble que l'immobilier d'enseignement offre encore quelques perspectives intéressantes pour les temps à venir.

Quelles perspectives pour l'immobilier de bureau dans les mois à venir ?

Le marché de l'immobilier de bureau traverse actuellement une période de turbulences intenses (et pas seulement en France) et connaît de profondes mutations dont on ignore encore sur quoi elles aboutiront. Plutôt qu'une conclusion hasardeuse, voici quelques questions et réponses sur lesquelles nous vous invitons à vous forger votre propre opinion.

Les grandes surfaces de mètres carrés de bureaux n'ont-elles plus la cote ?

Oui et Non

S'il semble que sur le marché parisien les grandes entreprises aient désormais intégré le Flex Office dans leur stratégie en réduisant leurs besoins en m², la belle performance des grandes surfaces de bureau sur le marché lillois au premier trimestre 2023 vient par exemple contrebalancer cette observation. Sur le sujet des grandes surfaces tertiaires et leur avenir, la réflexion commence donc par une analyse fine du marché local et ses particularités.

Y a-t-il un désintérêt des investisseurs pour l'immobilier de bureau ?

Oui

C'est maintenant un fait indéniable que l'investissement dans l'immobilier de bureau recule sur tous les marchés. Pour tempérer la sinistrose ambiante, on peut estimer que le marché peut être favorable aux acteurs qui ne sollicitent pas ou peu l'emprunt bancaire, que les actifs avec des bons fondamentaux en phase avec les nouvelles attentes des utilisateurs voient leur attractivité renforcée et qu'il existe de nombreuses 'petites' opérations - en régions notamment - qui passent sous les radars des analyses qui se focalisent souvent sur les très gros volumes.

La localisation est-elle devenue le critère numéro 1 pour choisir des bureaux ?

Oui - et on ne l'avait pas forcément vu venir

Sur tous les marchés on constate une polarisation de la demande au bénéfice des quartiers centraux et/ou très bien connectés, où les valeurs continuent de grimper et l'offre de se raréfier. La tendance à se regrouper dans des zones densément fréquentées, pas forcément faciles d'accès (trafic saturé, bouchons) et où les loyers sont plus élevés semble contre-intuitive et interroge au sortir d'une crise sanitaire qui incitait plutôt à éviter les foules et où s'engager sur des valeurs locatives élevées peut-être risqué dans le contexte économique actuel. Avec une question qui nous amène au point suivant : ce retour des 'bureaux dans la Cité' acte-t-il la fin des parcs tertiaires de périphérie ?

Existe-t-il un risque de voir des friches tertiaires se développer dans les années à venir ?

Oui (probablement)

Le Décret Tertiaire qui met la pression sur les immeubles vieillissants, la réduction de la taille des surfaces consommées, la désaffection des utilisateurs pour certains biens inadaptés et certains secteurs trop périphériques poussent une partie du parc immobilier de bureaux vers des scénarios de vacance prolongée. Alors que la crise du logement fait rage, la sempiternelle question de la conversion des bureaux va redevenir un sujet brûlant.

 

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