Dossier

Reconversion de bureaux en logements : cadre juridique, contraintes techniques et financières et perspectives

Crédit article : Julien PIERRE 28/03/2024 • 2 min.
La conversion d'immeubles tertiaires en habitation peut-elle solutionner la crise du logement ? Dans cet article nous proposons un tour d'horizon des contraintes juridiques, techniques et financières pesant sur ces opérations appelées à être facilitées.
Bureaux vacants vs besoins en logements

© Julien PIERRE

Bureaux vacants vs besoins en logements

Il n’y a pas si longtemps les bureaux comptaient parmi les actifs les plus recherchés par les investisseurs… mais ça c’était avant le Covid, une éternité.

Si certains immeubles et secteurs en phase avec les nouvelles attentes des utilisateurs en termes de qualité, centralité et accessibilité tirent encore leur épingle du jeu et ont toujours les faveurs du marché, à l’image d’un Quartier Central des Affaires qui retrouve des couleurs à Paris (prime de risque par rapport à l’OAT 10 ans qui remonte à +171 points de base au 4T2023 – chiffres Arthur Loyd), force est de constater que le secteur de l’immobilier tertiaire est ailleurs en difficulté et que les nuages s’amoncellent à l’horizon, notamment côté investisseurs avec certaines SCPI (acteurs traditionnellement friands de bureaux) en proie à une collecte nette en retrait en 2023.

Les chiffres de la demande placée en bureau en Ile-de-France et en régions témoignent d’une contraction de la demande placée, en baisse de 17% en 2023 pour les grandes métropoles régionales. Alors que la dynamique du rattrapage post pandémie s'est tarie, la réalité est que certains quartiers et immeubles souffrent d’une vacance récurrente à un niveau élevé, des quasi ‘friches tertiaires’ qui sonnent vides alors que dans le même temps les français ont de plus en plus de mal à se loger.

Et si tous ces m² de bureaux disponibles (4,4 millions de m² de locaux vides en Ile-de-France d'après une étude de l’Institut d’urbanisme Paris Régions) étaient utilisés pour créer du logement ?

L’idée ne date pas d’hier et se heurte à des contraintes multiples que nous allons évoquer ici, difficultés qui ont longtemps dissuadé de lancer de telles opérations.

Le récent volontarisme affiché par le premier ministre, qui cherche à provoquer un ‘choc d’offre’, pourrait accélérer le mouvement de conversion des bureaux en habitation, en logements étudiants, en résidences pour seniors ou encore en hôtellerie. D’autant que la ZAN (objectif 0 artificialisation nette des sols à l’horizon 2050) et le Décret Tertiaire changent la donne pour les futures constructions et amènent à reconsidérer l’existant sous un nouvel angle plus séduisant.

Quel cadre juridique pour la conversion des bureaux en logements ?

La transformation de bureaux en logements doit se conformer aux règles du Code de l’urbanisme réglementant l’affectation des sols et la destination des constructions.

Changement de destination : la conversion des bureaux en logement implique une modification de l’affectation de tout ou partie du bâtiment. Concrètement dans la majorité des cas de figure il faut un Permis de Construire.

Zones délimitées par le PLU : les destinations ‘habitation’ (qui comprend la sous-destination ‘logement’) et ‘autres activités des secteurs secondaire et tertiaire’ (qui comprend la sous-destination ‘bureau’) sont réglementées par le PLU.

Dans ses ‘ressources juridiques à mieux connaître en matière d’urbanisme et de développement durable pour la transformation de bureaux en logements’ (que vous pouvez retrouver ici), le gouvernement français donne des indications sur les leviers existants pour favoriser la transformation de bureaux en logements : modification ponctuelle  des règles du PLU par l’utilisation d’une procédure de modification simplifiée prévue par l’article L. 153-45 du Code de l’urbanisme, définition d’une OAP autorisant la transformation des bureaux en logements ou encore dérogation possible en s’appuyant sur l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme.

Quels sont les obstacles techniques à la transformation des bureaux en logements ?

Techniquement ce genre d'opération (créer du logement à partir de surfaces tertiaires) est loin d’être anecdotique et comporte son lot de problématiques à traiter !

Un des premiers sujets c’est la trame même de l’immeuble, la profondeur de façade à façade. Alors que pour de l’habitation il est recommandé une largeur de 11 m à 12 m maximum, au risque au-delà d’avoir un appartement privé de lumière, les constructions de bureaux ont souvent une trame de 18 m. Dans un article des Echos le Directeur du développement de la foncière Covivio préconise la réversibilité d’immeubles dont la trame est de 15 m maximum. Si un édifice est trop large, on peut vite se retrouver avec des pièces aveugles et des grands couloirs.

Parmi les autres inconvénients de ces immeubles, des hauteurs sous plafond à 2,50 m ou plus, idéales pour de l’open space, le sont nettement moins pour une reconversion en appartements pour lesquels la norme locative est fixée à 2,20 m.

Les façades peuvent également être un sujet avec dans certains cas la nécessité de renforcer l'isolation phonique avec l'extérieur pour répondre aux critères de confort acoustique supérieurs d'un logement d'habitation.

La reconversion passe aussi par l'action de transformer de grands plateaux en petites unités, appelant nécessairement à plus d’escaliers, d’ascenseurs et de gaines, et la création de salles d’eau et de cuisines.

Au-delà de toutes ces modifications qui touchent aux aménagements voire à la structure de l’immeuble, sa localisation même doit aussi être prise en compte car des ensembles immobiliers épars, diffus, loin de tout ou partiellement vides (plateaux) constituent aussi un challenge qu’il ne sera pas toujours facile à relever pour une optique de reconversion.

Enfin n'oublions pas qu’il est nécessaire d’obtenir l’accord de tous les copropriétaires pour valider le changement d’usage !

Quels sont les obstacles financiers à la conversion des bureaux en logements ?

Les conversions de locaux tertiaires en habitation sont des opérations de transformation coûteuses et la question se pose d’identifier des acteurs capables de les porter financièrement dans un contexte où d’une part côté investisseurs le logement est traditionnellement moins valorisé que l’immobilier tertiaire ; et d’autre part la conjoncture actuelle n’est guère favorable aux promoteurs, marchands de biens et notaires plombés par le marasme du logement.

Autre coût, indirect cette fois : l’arrivée de nouveaux habitants doit aussi s’accompagner d’infrastructures pour les accueillir (desserte en transports en commun, accessibilité, écoles, services, etc) or toutes les mairies ne disposent pas des moyens nécessaires pour financer ces aménagements (d'autant que la taxe professionnelle disparaît).

L’équation économique à résoudre pour ce type d’opération est donc complexe et peut passer par une recherche de mixité associant les logements avec du commerce, de l’hôtellerie et/ou de la résidence (étudiants ou personnes âgées).

Vers une accélération de la transformation des immeubles tertiaires en logements

A l'instar d'acteurs comme Covivio, Redman, Icade, Meanings Capital Partners, Novaxia ou Bouygues Immobilier (avec sa filiale dédiée Coverso), les opérations de transformation d'ensembles tertiaires obsolètes en habitations séduisent de plus en plus de professionnels de l’immobilier qui se positionnent sur ce type d'opérations.

Où en est-on des reconversions ?

Comme le constate CBRE dans son étude de Décembre 2022 les opérations de transformation de bureaux en logements restent toutefois encore marginales, le conseil évoquant 800 opérations en moyenne par an sur la période 2013-2021 soit une production annuelle de… 2.000 logements, bien modeste par rapport aux besoins actuels, que ce soit à Paris ou ailleurs en France.

Un texte pour faciliter la transformation

Le rythme devrait toutefois s’accélérer avec l’adoption début Mars 2024 par l’Assemblée Nationale d’un texte visant à faciliter la transformation des bureaux en habitation, projet qui doit encore passer par la case Sénat. Comme le relate Business Immo, le texte vise à simplifier les démarches notamment avec la possibilité d’une dérogation au PLU, la création d’un Permis de Construire réversible permettant de changer la destination d’un bâtiment (grâce à un rapprochement des normes incendies et acoustiques), la facilitation de la transformation des bureaux en logements étudiants ou encore la possibilité pour les maires de soumettre ces opérations à la taxe d’aménagement.

Offres immobilières associées

Voir plus
Nous contacter